Dénationalisons l'Euro 2016 !
Le
Monde.fr | 23.07.2012 à 14h31
Par Jean-Pascal Gayant, professeur de sciences
économiques, Université du Mans
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"Les malheurs de
la Grèce ont commencé avec les Jeux Olympiques de 2004". La dizaine de milliards
du coût global de l'organisation était à l'évidence une dépense trop lourde
à supporter pour la petite
nation grecque. C'est en tout cas l'opinion de l'économiste américain Victor Matheson, spécialiste des retombées
économiques des grands événements sportifs.
En
écho à cette analyse, on ne peut s'empêcher de songer que l'Euro 2004 de football au Portugal a,
lui aussi, contribué à l'infortune du pays organisateur. Il est vrai que l'idée
de construire des stades de 30 000 places dans des villes
de moins de 60 000 habitants (telles que Faro ou Leiria) était - et
demeure - insensée, quelle que soit la ferveur populaire pour le ballon rond.
Le prochain Euro de football devrait se dérouler en France,
en 2016. Toutes les villes dans lesquelles il est supposé se dérouler sont de
taille substantiellement plus conséquentes que les villes moyennes portugaises,
ce qui devrait limiter les inepties
observées dans le cas lusitain. Mais peu de voix s'élèvent pour s'étonner que
les rénovations et les constructions de nouveaux stades soient principalement
financées par les collectivités locales et l'Etat.
Car si la mode est aux Partenariats Public Privé, il ne faut pas se
méprendre : le contribuable est, en dernier ressort, le financeur des
stades dédiés à la création de valeur privée. Non seulement les salaires dans
le football professionnel européen, dopés par la bulle des droits audiovisuels,
sont indécents, mais les clubs français qui servent ces émoluments n'ont, sauf
exception, pas réussi à dégager les surplus permettant de financer leurs propres
stades. Même le précédent ministre des sports, David Douillet, s'était ému, en
janvier 2012, de ce que l'Etat soit amené à contribuer (à hauteur de 168
millions d'euros) à ce financement.
La facture totale, annoncée à plus de 1,7 milliard
d'euros, pèsera de longues années sur les finances des métropoles ayant eu le
redoutable privilège d'être retenue pour accueillir des matchs. En
clôture de l'Euro 2012 de football, Michel Platini, président de l'Union Européenne de Football (UEFA)
a lancé l'idée d'une compétition multi-pays en 2020 : plutôt que d'organiser, tous les 4 ans, la
phase finale de la compétition dans un seul pays (ou 2 pays voisins comme en
2008 et cette année), le tournoi serait réparti sur 12 ou 13 grandes villes d'Europe, déjà dotées de très grandes infrastructures. Voilà
un projet qui pourrait aider à reléguer au rang de
chimères le mythe de considérables retombées économiques de ces grandes
compétitions ponctuelles uni-localisées - contredites par les études empiriques
depuis de nombreuses années.
Pourquoi, dès lors, ne pas mettre en œuvre cette
initiative dès 2016 ? Seul un orgueil mal placé milite pour la
conservation, à tout prix, de l'organisation de l'Euro de football dans le
cadre strictement national. Le Conseil Régional du Nord-Pas de Calais, vient
déjà, avec une certaine sagesse, de suspendre la coûteuse
rénovation du Stade Bollaert de Lens. On peut se prendre à rêver que les
élus des autres collectivités territoriales, soucieux de la bonne utilisation
des deniers publics, militent à leur tour pour la dénationalisation de l'Euro
2016 et soulagent ainsi les finances publiques de leur territoire.
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